Solitaire c’est parti !
Eric et Selma débarquent le 28 août à Corfou et repartent pour la France, contraints et forcés car c’est bientôt l’heure de la rentrée ! Coromandel repart aussi le même jour, pour lui le voyage continue, vers le sud d’abord dans l’idée de faire le tour du Péloponnèse et pouvoir ensuite gagner les Cyclades. Sur cette route de quelques 500 milles je reste seul à bord, personne d’autre jusqu’à fin septembre.
C’est parti donc pour la solitaire ! De Corfou un vent mollasson va et vient, il faut régler les voiles toutes les 10 minutes ou mettre le moteur. Le bateau ne va pas bien loin et à la tombée du jour il jette l’ancre au nord de la baie d’Igoumenitsa. Le lendemain il repart de bonne heure, mais le vent manque toujours. Alors on fait une pause au pied de la grande île de Mourtos en attendant qu’il revienne. Et il revient ! En début d’après-midi une brise de mer se lève et emmène Coromandel jusqu’à la crique dite des deux rochers où l’on passe une nuit paisible. Quand le jour se lève sur Two Rocks Bay on croirait voir émerger de l’eau des figures de proue pétrifiées qui reprennent vie sous les premiers rayons du soleil.
L’endroit est vraiment chouette et mériterait qu’on y reste au moins un jour de plus, mais j’aimerais prendre un peu d’avance sur la route pour pouvoir ensuite prolonger les escales. Alors on repart… Seulement voilà, en plein marais barométrique pour avancer il faut faire de longues heures de moteur, c’est rageant ! La bonne nouvelle c’est que l’engin se comporte plutôt bien, ma réparation de fortune au niveau du filtre à essence semble tenir le coup… Tant mieux car même sur la côte ouest de Lefkas les grandes falaises chauffées à blanc par le soleil ne parviennent pas à lever la brise sur laquelle je comptais pour contourner cette grande île.
En tout 4 jours depuis Corfou pour rejoindre l’entrée du chenal d’Ithaque. J’y arrive de nuit et avec encore 14 milles à parcourir jusqu’à un abri où l’on puisse raisonnablement mouiller en pleine obscurité. C’est là que la magie opère. Tout d’abord dans le ciel où se jette la voie lactée au milieu de milliers d’étoiles. Quasiment aucune lumière sur les rives, avec la nouvelle lune le noir est complet et donne à voir les constellations comme jamais, le Cygne, la Grande Ourse, le Bouvier, Pégase… De temps à autre je jette un coup d’oeil sur les rives dont les ombres défilent. Je n’ai fait que la moitié du chemin dans le chenal quand je remarque quelques feux sur tribord. A travers les jumelles je reconnais des bateaux au mouillage. Vite le guide ! L’endroit est effectivement inscrit sous le nom de Kalo Limeni, la carte montre des fonds tout ce qu’il y a de plus avenant. Hop, demi-tour, allons voir de plus près ! C’est une crique déjà bien occupée par les plaisanciers, mais il y a tout près de la rive une petite place qui fera bien notre affaire pour la nuit. Je dors comme une souche, et me réveille au tintement léger des clochettes des chèvres qui paissent tranquillement à deux pas de l’eau bleue sous le soleil du matin.
De jour Ithaque et Céphalonie offrent un paysage de collines peu habitées couvertes de forêts clairsemées, pelées à certains endroits et marquées par les routes qui les traversent. Ici et là on peut voir un domaine avec ses plantations d’oliviers. Quelques rares bourgades tranquilles comme celle de Poros où je m’arrête une fin d’après-midi sans vent, devant une plage dont je profite jusque tard dans la soirée. Et lorsque je m’apprête à dormir comme un bébé, soudain une houle infernale se lève, malmène le bateau qui roule et roule encore, presque toute la nuit durant !