Plus de bouchon jaune

Quand on bricole sur un bateau il y a certaines règles à respecter, la première de toutes étant sans doute : Ne pas se précipiter ! Après Naples nous faisons escale à la Marina di Stabia pour l’avitaillement, le ménage et la vidange du moteur. On met ensuite le cap sur l’île la plus célèbre de toute la mer tyrrhénienne, Capri. En fin d’après-midi, alors qu’il ne nous reste plus que quelques milles à parcourir, nous croisons une véritable nuée de bateaux qui en reviennent, sillonnant la mer de toutes parts en direction des ports du golfe, ajoutant aux vagues d’une mer déjà agitée, alors que faute de vent nous avançons au moteur… Les conditions idéales pour un bon mal de mer !

Heureusement la peine est de courte durée, nous jetons bientôt l’ancre dans une crique étroite, juste sous la villa Malaparte. On tire une amarre jusqu’à un rocher pour tenir le bateau et profiter pleinement de ce magnifique mouillage. C’est le lendemain que les choses se compliquent ; à peine réveillé je vois dans les toilettes une traînée d’huile noire au bas de la trappe d’accès au moteur… Je me précipite pour l’ouvrir, comprenant déjà d’où vient le mal : plus de bouchon de carter ! Sans doute parti avec le sac contenant les chiffons utilisés pour la vidange. Cette dernière n’aura servi à rien, les 3/4 de l’huile neuve ont coulé dans la cale moteur. Quel con ! Je me le répète au moins douze fois avant de réfléchir à une solution.

A tout hasard on téléphone à la marina qui finit par retrouver le sac d’après la description qu’on leur en donne, une chance ! Je remets de l’huile et on refait notre route de la veille en sens inverse avec bon espoir de retrouver notre bouchon. Sur le quai de la marina un agent nous donne le sac rempli de chiffons, mais horreur, ce n’est pas le nôtre ! On repart, j’ai le moral dans les chaussettes… Ce fameux bouchon jaune va nous manquer, terriblement ; il faudra plusieurs semaines avant de pouvoir lui trouver un remplaçant. En attendant on rebouche le carter avec une pinoche bricolée qui saute de temps en temps et on surveille le niveau d’huile.

Coromandel continue sa route, cherchant un abri pour la nuit du côté de Sorrente, sans succès, pour finir par jeter l’ancre au mouillage de la Punta Campanella. Le lendemain on se balade sur les hauteurs avant de reprendre la mer en direction d’Amalfi, longeant la côte sous le Sentiero degli Dei, ce fameux sentier que les dieux de l’Olympe empruntaient pour aller écouter le chant des sirènes.

Quand nous arrivons devant Amalfi un gars en hors-bord vient nous racoler ; à peine a-t-on accepté son offre qu’il saute sur le pont et prend les commandes. Son bateau amarré d’un côté, notre annexe de l’autre, Giulio conduit Coromandel d’une main jusqu’à la Marina Coppola, passant entre les bateaux avec la dextérité et l’assurance d’un pilote de rallye.

Le temps de visiter la ville et le jour suivant un bon vent nous emporte de l’autre côté du golfe de Salerne, sur les côtes d’une région superbe qu’on appelle le Cilento.